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Rentabilité de l’enseigne concédée par le franchiseur et erreur substantielle du franchisé

La franchise est le droit concédé à un franchisé d’exploiter, sous l’enseigne du franchiseur, un concept commercial ayant fait ses preuves auprès de la clientèle. S’agissant de réitérer le succès du franchiseur, la rentabilité économique de ce qui est concédé est au cœur du dispositif.

La difficulté en la matière est de trouver un juste équilibre entre les obligations du franchiseur, qui dispose du savoir-faire nécessaire à l’exploitation de son enseigne, et les droits du franchisé qui, pour sa part, reste un commerçant indépendant devant anticiper et assumer, comme tout entrepreneur, les risques liés à l’activité économique.   

Depuis la loi Doubin du 31 décembre 1989, le législateur a fixé les droits et les obligations des parties dans la négociation du contrat de franchise, en mettant à la charge du franchiseur une obligation précontractuelle d’information au profit du franchisé.  

Un récent arrêt de la Cour de cassation rappelle la teneur de cette obligation et les points sur lesquels le franchiseur se doit de rester vigilant (1) .
Dans cette affaire, un franchisé qui avait rapidement déposé le bilan après l’ouverture du point de vente reprochait au franchiseur de lui avoir, d’une part, transmis un compte prévisionnel d’exploitation « exagérément optimiste » et, d’autre part, d’avoir validé un local commercial qui s’est avéré inadapté en raison d’une superficie trop importante.

La Cour de cassation accueille ces deux griefs en retenant que les manquements du franchiseur dans les données fournies lors de l’installation du point de vente avaient généré dans l’esprit du franchisé une erreur substantielle sur la rentabilité de l’activité entreprise.

En matière de franchise, l’erreur sur la rentabilité est donc susceptible de constituer un vice du consentement et d’entraîner la nullité du contrat de franchise, obligeant ainsi le franchiseur à restituer les redevances qu’il a perçues durant son exécution.

Pour autant, la loi n’oblige pas le franchiseur à établir un compte prévisionnel d’exploitation, lequel peut s’en tenir à un état formel du marché et de ses perspectives d’évolution.

S’il prend toutefois l’initiative d’établir un tel prévisionnel d’exploitation, il se doit de veiller à ce qu’il soit sincère et réalisable.

De même, la recherche d’un local adapté aux spécificités de l’enseigne concédée est également un élément de rentabilité à prendre en compte, dans la mesure où des charges d’exploitation inadaptées grèveront de manière excessive le chiffre d’affaires du franchisé.
Le franchiseur a donc une responsabilité dans le lancement de l’activité du franchisé qu’il ne saurait ignorer, comme le rappelle cette décision de la Cour de cassation.

Au demeurant cette décision fait écho à une jurisprudence déjà établie ayant retenu que, même en l’absence de tout manquement du franchiseur à son obligation d’information, les résultats de l’activité du franchisé, s’ils s’avèrent très inférieurs aux prévisions, peuvent entraîner la nullité du contrat de franchise pour cause d’erreur sur la rentabilité (2) .

L’erreur sur la rentabilité serait donc un vice qui se suffit à lui-même, susceptible d’entraîner la nullité du contrat de franchise sans aucune faute du franchiseur.

Si cette jurisprudence a ouvert un débat qui continue d’alimenter la polémique, elle n’a pour autant pas été remise en cause dans son principe.
Par ailleurs, un arrêt postérieur de la Cour de cassation a clairement indiqué que l’espérance de gains était un élément déterminant et substantiel du contrat de franchise (3).

Dans ces conditions, il est préférable pour le franchiseur de pas minimiser l’importance de son rôle et, usant de son expérience et de la maîtrise des techniques de gestion qui ont fait le succès de son enseigne, de s’assurer que les objectifs de gains convoités par le franchisé soient au moins réalisables.

En conclusion, il convient de retenir que la franchise est un contrat complexe qui nécessite bien souvent l’intervention de professionnels du droit et du chiffre, à même de sécuriser la relation tant dans ses aspects juridiques, par un juste équilibre entre les droits et les obligations des parties, que dans ses aspects économiques, à travers l’élaboration de prévisionnels réalistes.

1 Cass. com. 10 juin 2020 ; n° 18-21.536
2 Cass. com. 4 oct. 2011 ; n° 10-20.956
3 Cass. com. 12 juin 2012 ; n° 11-19.047